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Du nouveau pour 2009 : Lire-écouter-voir devient Samarra !

Après un an de bons et loyaux services, Lire-écouter-voir fait peau neuve. Nous allons désormais continuer ce qui a été entrepris sur un blog partenaire du site Mondomix consacré à toutes les musiques du monde.

Ce nouveau blog s'appelle Samarra et a démarré depuis quelques jours. Nous allons continuer à y publier des articles sur les sujets et les supports (BD, manga, musique, films, livres, peinture,...) qui ont fait le quotidien de Lire-écouter-voir en 2008.

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mercredi 1 octobre 2008

Nous, enfants de la tradition


Les transferts financiers des migrants constituent un des mouvements de redistribution des richesses les plus importants dans le monde contemporain. Leur montant était estimé en 2003 à 200 milliards de $, chiffre en constante augmentation puisqu'il n'était que de 3 milliards en 1970, 35 en 1980 et 70 au début des années 1990. Il a donc triplé depuis cette période...
Ces transferts sont supérieurs à l'Aide Publique au développement (APD) qui s'élevait en 2003 à 70 milliards de $. Cette manne contribue donc à la lutte contre la pauvreté dans les pays du Sud et participe au développement local. La carte ci-dessous nous montre les pays qui reçoivent le plus de transferts et la part que cela représente dans leur PIB :

[Carte établie par G. Simon et Y. Charbit, parue dans Images économiques du monde 2006, Armand Colin, 2005]

Les pays qui reçoivent les sommes les plus importantes sont l'Inde et le Mexique avec environ 10 milliards de $ chacun. Le premier compte une diaspora importante dans plusieurs pays, en particulier dans le Golfe, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis (voir la carte ci-contre, source DF). Le second bénéficie de la forte communauté mexicaine implantée chez le puissant voisin. Suivent les Philippines (6, 4 milliards depuis Etats-Unis, Pays du Golfe), le Maroc, l'Egypte, la Turquie, le Liban, le Bengladesh, la Jordanie et la République Dominicaine (entre 2 et 3 milliards chacun).
Certains pays en tirent une part substantielle de leurs ressources qui peut aller jusqu'au tiers du PIB (Tonga), parfois le quart (Moldavie, Lesotho, Jordanie, Bosnie, Palestine, Haïti). En revanche, Inde (2,6%) et Mexique (1,6%) en sont moins dépendant.

Les principaux pays sources de ces flux sont évidemment les pays qui accueillent le plus grand nombre de migrants, à commencer par les Etats-Unis (28,4 milliards de $). Suivent l'Arabie Saoudite (15,1 en particulier vers les pays arabes voisins et les pays d'Asie du Sud et d'Asie du Sud-Est), l'Allemagne (8,2), la Belgique (8,1), la Suisse (8,1), la France (3,9), puis le Luxembourg, Israël, l'Italie et le Japon.


Mais quelle réalité se cache derrière ces chiffres ?

L'écrivain Gaston-Paul Effa, originaire du Cameroun, vient de publier son dernier roman : Nous enfant de la tradition (Publié aux éditions Anne Carrière). Dans cet ouvrage très autobiographique, il dénonce la condition de ces émigrés Africains qui doivent envoyer jusqu'aux trois-quarts de leurs salaires, au risque de perdre pied dans leur vie en Europe. L'écrivain pousse un cri contre la tradition en nous livrant un récit très personnel.
C'est l'histoire de la descente aux enfers d'Osele, "désigné" comme l'aîné de ses 30 frères et soeurs. Si ce choix peut paraître comme un privilège, il implique une responsabilité écrasante résumée ainsi par son père dans une lettre qu'il lui écrit, alors qu'il est placé dans une institution religieuse : "Pense que l'aîné ne doit pas vivre pour lui mais pour tous les autres". Tout le roman décrit la lutte impitoyable entre Osele et cette tradition qui l'empêche de vivre. Adulte, il part étudier en France, à Strasbourg, et devient ingénieur. Il épouse Hélène, une Française, avec laquelle il a deux enfants. Mais comment concilier cette nouvelle vie avec le respect de la tradition imposée par la famille :

"Osele allait nourrir les hommes. Tout le monde pouvait mourrir autour de moi, ma femme pouvait me quitter, mes enfants aussi, l'essentiel était que la tradition reste sauve. L'âne [Osele signifie âne, nda] continuerait à servir, à nourrir, à porter, à conduire, à donner, à se donner, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'hommes du tout. Parce que les hommes qu'il avait vus naître finiraient bien par mourir".

Au travers de ce récit, Gaston-Paul Effa nous décrit le déchirement que connaissent de nombreux immigrés pris entre plusieurs légitimités, entre ces pays d'accueil qui leur dénient parfois les droits les plus élémentaires mais qui leur offrent une certaine liberté et la tradition qui les poursuit jusque dans les moindres détails de la vie quotidienne. Sa planche de salut, c'est l'écriture. Une écriture pleine de poésie que je vous invite à dévorer en lisant ce roman.

"Sauvé, sauvé, me répétais-je ne puis être sauvé que par l'écriture !"

Lorsque je l'ai croisé au Livre sur la place à Nancy, Gaston-Paul Effa corrigeait les copies de philo de ses terminales. Il a bien voulu s'en extraire quelques instants pour nous parler des raisons qui l'ont poussées à écrire ce roman. Voici l'entretien en vidéo. Les quinze premières secondes sont un peu penchées, mais ça s'arrange par la suite.... Un grand merci à Gaston-Paul Effa !




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