Dans ce livre, les auteurs mettent en avant deux idées importantes :
- "La révolution conservatrice" est née d'une mobilisation locale, donc en grande partie invisible, depuis les années 1950.
- Cette contestation de l'Amérique "libérale" (au sens américain c'est-à-dire, pour faire vite, de gauche) s'est appuyée sur des élites économiques, sociales et intellectuelles mais aussi sur une partie importante du monde ouvrier et des classes moyennes.
Au cours des années 1960, les lois mettant fin à la ségrégation dans le Sud, initiées par Johnson (lui-même Texan), font basculer les démocrates conservateurs du Sud du côté des Républicains. Ceux-ci, avec Richard Nixon, reprennent le pouvoir en 1968 en n'hésitant pas à faire appel à la "majorité silencieuse", celle qui n'a pas participé à l'agitation étudiante et aux émeutes urbaines des années 1960 (Watts en 1965, Détroit en 1967 notamment). C'est un message clair envoyé aux conservateurs. La domination des libéraux sur les campus n' a d'ailleurs pas empêché les jeunes conservateurs de s'organiser. La contribution de Caroline Romain-Diamond retrace ainsi la genèse des Young Americans for Freedom (YAF), vivier du conservatisme regroupant les trois familles de ce mouvement : le traditionalisme, l'anticommunisme et le libertarianisme. Séduits par Barry Goldwater, candidat malheureux contre Johnson en 1964, les jeunes conservateurs trouvent en Ronald Reagan un défenseur de leurs idées. Élu gouverneur de Californie en 1966, il accède à la présidence en janvier 1981.
Mais le plus souvent, à défaut de l'emporter à Washington, les conservateurs ont su utiliser les instruments de la modernité, jugée si néfaste par ailleurs, pour faire valoir leurs idées. Ils furent ainsi les pionniers du mailing (à l'époque par voie postale...), des petites réunions familiales et se firent une spécialité des Talks-shows radiophoniques permettant de toucher un large public. Romain Huret résume cette stratégie : " Leur objectif a toujours été de démanteler par en bas ce que les libéraux avaient construit par en haut." L'efficacité de cette stratégie a été démontrée par la réélection de Georges W. Bush en 2004. Les Républicains ont alors su mobiliser l'Amérique profonde autour des valeurs morales, éthiques et religieuses traditionnelles.
Comme nous le dit Romain Huret dans l'introduction, l'époque n'est plus au dénigrement des conservateurs, à l'image de ce que faisait Bob Dylan avec sa chanson "Talkin' John Birch Paranoïd Blues" (1963) moquant les membres de cette société conservatrice qui porte le nom d'un missionnaire protestant tué par des communistes chinois en 1945 ... Plus de détails sur cette chanson en lisant l'article de Julien Blottière sur l'histgeobox.
Découvrez Bob Dylan!
La définition est difficile car il y a plusieurs Amérique conservatrices.
Mais globalement il s'agit d'une frange de la population hostile à l'héritage des années 1960 : relativisme moral, liberté sexuelle, cosmopolitisme. Les conservateurs veulent tous une Amérique fière d'elle même, de ses valeurs démocratiques et familiales. Ils pensent que la famille, la religion, le travail sont au coeur même de l'expérience démocratique américaine.
Au début des années 1960, ce courant était marginal; il est aujourd'hui dominant. Pour preuve, le candidat démocrate Barack Obama est contraint d'adopter leur point de vue dans de nombreux domaines et de modérer ses conseillers trop à gauches. Il a même fait des efforts importants pour apparaître véritablement "américain".
3. Quels moyens cette « culture contestataire » utilise-t-elle ?
En France, nous avons le sentiment que les conservateurs sont des péquenauds, vivant dans des campagnes reculées comme on le voit dans les films des frères Coen ou de Tarantino. La réalité est plus complexe : ces conservateurs sont membres de la classe moyenne, ingénieurs, informaticiens, cadres... Ils utilisent Internet pour faire pression sur les élus et disposent de sommes d'argent importantes. Ils sont également très présents sur le terrain : dans les conseils d'école ou les réunions de quartier, ils militent avec force pour faire entendre leurs valeurs conservatrices.
Enfin, si vous voulez plongez dans l'Amérique plus que conservtrice, vous pouvez lire la très bonne BD d'Otéro, Wilmaury et Martin : Amerikkka. Vous y suivrez les aventures de deux militants des droits de l'homme sur les traces des nombreuses organisations qui ont pris la succession du Ku Klux Klan...
1 commentaire:
Article passionnant qui donne envie de se ruer sur ce livre.
Julien
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