C’est à Nanterre que démarre la contestation étudiante. Tentons de comprendre et d’expliquer...
Nanterre est une ville de la banlieue ouest de Paris dans le département des Hauts de Seine. En 1968, elle est peuplée de 90 000 habitants mais elle se caractérise surtout à cette époque par l’arrivée brutale de deux types de population : d’une part des immigrés arrivant du Maghreb depuis le milieu des années 50 et qui s’agglutinent dans plusieurs bidonvilles et d’autre part des étudiants de la nouvelle université installée depuis 1964 pour répondre à la forte croissance du nombre des étudiants. La vieille Sorbonne a ainsi délocalisé les Sciences humaines dans cette banlieue ouest. Ces deux nouveaux arrivants changent ainsi en profondeur la sociologie de la ville.
L’Université de Nanterre
En 1968, la conjoncture était favorable à un fort mécontentement des étudiants de France et plus particulièrement de ceux de Nanterre.
En effet, le système de l’Université était jusqu’alors ouvert à tous et permettait une massification des effectifs étudiants (150 000 en 1955, 280 000 en 1962 et 605 000 en 1967) mais le ministre de l’Education Fouchet mit au point une réforme visant à instaurer une sélection à l’entrée de certaines filières… La sélection à l’Université était déjà à l’époque une bonne raison de se mobiliser au sein des syndicats étudiants.
L’autre source du mécontentement étudiant renvoyait aux rigidités morales de la société. Les étudiants critiquaient le système universitaire qui était le reflet des hypocrisies de la société. Leurs revendications portaient sur la sacralisation du cours magistral, sur les rapports enseignant-enseigné et les règlements intérieurs désuets des cités universitaires qui interdisaient par exemple l’accès des garçons dans les bâtiments des filles.
Enfin, l’environnement tout à fait particulier de Nanterre était propice à la révolte estudiantine. L’université de Nanterre fondée depuis peu accueillait déjà 12 000 étudiants pour une capacité de 10 000. Les locaux neufs se trouvaient au milieu des bidonvilles dans une banlieue finalement peu attractive. Quelques enseignants avaient choisi de « s’exiler » de la prestigieuse Sorbonne comme le célèbre philosophe Paul Ricoeur mais d’autres avaient perçu leur nomination comme une sorte de relégation. Les jeunes professeurs étaient par ailleurs, le plus souvent d’extrême gauche et donc très critiques à l’égard des réformes en cours.
Le mouvement du 22 mars
Dans ce contexte explosif, un événement va mettre le feu au poudre. Durant la nuit du 21 mars, une marche est organisée sur Paris contre la guerre du Vietnam. Des intérêts américains sont la cible de dégradations. Des étudiants sont alors arrêtés dont un certain Xavier de l’université de Nanterre. Afin de réagir à cette arrestation, environ 150 étudiants de Nanterre (dont de nombreux, issus de la Faculté de sociologie) débrayent et convoquent une assemblée générale à 17 h où ils décident d’occuper le bâtiment administratif de l’université. A l’imitation du mouvement castriste, les étudiants rédigent le « manifeste des 142 » dans lequel toutes les revendications sont recueillies : anti-impérialisme, remise en cause de l’Université et de son fonctionnement, critique de la répression gouvernementale etc… Les troubles vont se poursuivre jusqu’au 2 mai, date à laquelle, les autorités décident de fermer l’université, les étudiants se dirigent alors vers la Sorbonne et propagent le mouvement.
Parmi les étudiants, les plus en vu, on trouve Daniel Cohn Bendit, âgé de 23 ans, le plus médiatique….Il incarnera l’insolente jeunesse et le courant libertaire durant tous les événements.
Sources :
- Libération, vendredi 21 mars
- LAVABRE M.C., REY H., Les mouvements de 1968, Casterman, Paris, 1998, 127p.
- LEMIRE V., "Nanterre, les bidonvilles et les étudiants", in 68, une histoire collective (ss dir. ARTIERES P. et ZANCARINI-FOURNEL M.), La découverte, Paris, 2008, pp 137-143.
Jean-Christophe Diedrich
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