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Du nouveau pour 2009 : Lire-écouter-voir devient Samarra !

Après un an de bons et loyaux services, Lire-écouter-voir fait peau neuve. Nous allons désormais continuer ce qui a été entrepris sur un blog partenaire du site Mondomix consacré à toutes les musiques du monde.

Ce nouveau blog s'appelle Samarra et a démarré depuis quelques jours. Nous allons continuer à y publier des articles sur les sujets et les supports (BD, manga, musique, films, livres, peinture,...) qui ont fait le quotidien de Lire-écouter-voir en 2008.

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jeudi 27 novembre 2008

La musique comme outil de propagande dans la Guinée de Sékou Touré.

Les Amazones de Guinée.


Ancien secrétaire du syndicat des PTT, Sékou Touré fonde en 1952 le Parti démocratique de Guinée dont il fait une organisation populaire très structurée. Maire de Conakry et député à l'Assemblée nationale française (1956). Lors du référendum du 28 septembre 1958, il appelle les Guinéens à refuser l'intégration du pays dans la Communauté française. De Gaulle entend en effet intégrer les colonies d'Afrique occidentale dans cette nouvelle structure. Avec la victoire du non, la Guinée devient le premier ainsi le premier d'Etat d'Afrique subsaharienne à obtenir son indépendance de la France.

Quelques temps auparavant, alors jeune nationaliste, Touré n'avait pas hésité à lancer à de Gaulle: " Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage". Le général, outré, suspend immédiatement toute aide à la Guinée. L'administration guinéenne, privée de tous les techniciens et fonctionnaires français, doit repartir de zéro. Pire, certaines infrastructures sont démantelées sciemment par les anciens colonisateurs. Le divorce est définitivement consommé entre l'ancienne colonie et sa métropole. Paris tentera même d’empêcher l’admission du nouvel État aux Nations unies.


Le président Sékou Touré à la tribune de l'ONU en 1962.

Touré se pose aussitôt en champion du panafricanisme et se tourne vers l'Union soviétique et la Chine. Il instaure très vite un régime dictatorial de parti unique, d'inspiration socialiste, éliminant impitoyablement tous ses rivaux potentiels. En 1982, il est encore "réélu", pour un quatrième mandat, avec 100% des suffrages.

Dans cet article, nous allons revenir sur un aspects essentiel du régime guinéen, c'est-à-dire l'utilisation de la musique comme arme de propagande. La plupart du temps, lorsque des artistes se mettent au service d'une dictature, le résultat n'est guère convainquant. Pour s'en convaincre, il suffit de songer aux peintures du réalisme socialiste en URSS. Or, le cas de la musique guinéenne fait figure d'exception, comme nous allons tenter de le démontrer.

* Les ballets africains.

A l'époque coloniale déjà, la Guinée joue le premier rôle dans le rayonnement musical du continent : dès 1948, les Ballets Africains de Keita Fodéba tournent dans le monde entier. Ils réunissent une cinquantaine d'artistes, griots pour la plupart, dont les spectacles somptueux démontrent la richesse des traditions mandingues. Les danseuses aux seins nus ne sont pas pour rien dans ce succès.

Au lendemain de l’indépendance (1958), le président guinéen Sékou Touré mesure tout à coup les dégâts causés par l’influence culturelle française dans son pays, puisque pour animer un grand gala, il est obligé de faire appel à des artsites ghanéens, car aucune formation de guinénne n’a développé un répertoire basé sur les chants ou rythmes locaux.

La musique comme arme de propagande.



Pour remédier à cette situation, il met en place une politique culturelle inédite sur le thème de l’authenticité. L’objectif est de faire naître une musique populaire guinéenne en modernisant les traditions. Sékou Touré y voit le moyen de contribuer à forger chez ses compatriotes ce sentiment national auquel il attache tant importance.



Pour Sékou Touré, la musique doit être un vecteur de l'affirmation nationale et de valorisation de la culture du pays. Le dirigeant de la Guinée crée alors des dizaines d'orchestres subventionnés. Il charge Keita Fodeba d'organiser la vie musicale du nouvel État (nommé au ministère de l'intérieur, il sera bientôt la victime de la paranoïa de Touré qui voit des complots partout. Il décède en 1969, probablement des suites des tortures infligées dans le sinistre camp Boiro).

Au cours des années 1960, 1970, la Guinée devient le phare de la création musicale en Afrique, à la croisée de la tradition et de la modernité.

Guitares, cuivres (d'où l'adjectif jazz accolé à tous les orchestres guinéens) et chants créèrent l’essentiel de cette nouvelle musique. Nouvelle certes mais profondément ancrée dans les traditions malinké. En effet, jusqu'au XIIIème siècle, le territoire de l'actuelle Guinée est intégrée à l'Empire mandingue de Soundiata Keita. Des éléments jazz ou cubains et des textes en français, complètent ce patchwork musical.



* Les orchestres nationaux.


Balla et ses balladins: "Sara".

Des orchestres nationaux sont créés, et leurs membres ont le statut de fonctionnaires. En 1959, le Syli Orchestre ("syli" = éléphant nain, en soussou et symbole de la Guinée)apparaît et devient le premier orchestre national moderne d'Afrique (on en comptera sept en tout). Il se divise bientôt en deux, donnant naissance à Balla et ses Balladins et à Keletigui et ses Tambourinis.



Touré crée ces orchestres nationaux et organise une gigantesque machinerie musicale. Ces orchestres voyagent dans le bloc soviétique et assurent la diffusion de la musique guinéenne. Les membres d'un orchestre national jouissent d'un statut envié dans la mesure où ils deviennent des fonctionnaires, dont les instruments, les voyages, les frais divers sont pris en charge par l'Etat. De fait, la musique guinéenne devient une influence majeure pour l'Afrique occidentale, au même titre que le highlife ghanéen ou l'afro-beat nigérian.


Le morceau Soundiata interprété par Keletigui et ses tambourinis revient sur l'épopée du fondateur légendaire de l'empire du Mali, auquel Sékou Touré, d'origine malinké, rend souvent hommage.

D'autres orchestres nationaux sont créés dans la capitale :
- le Boiro Band qui joue au sein même de la caserne-prison où sévissent les tortionnaires de la Garde Républicaine.
- La Gendarmerie a aussi ses propres big bands, dont le merveilleux ensemble féminin (toujours en action) "Amazones de Guinée".


"Chacun son caractère chacun son style, chacun sa façon d'être " affirme les Amazones de Guinée dans leur titre Beni son, sur leur dernier album, sorti cette année.

A partir de 1963, chacune des 33 préfectures de Guinée se dote également d’un orchestre fédéral. L'ensemble des formations participent à une compétition organisée sur tout le territoire, avec ses phases de présélection et sa finale à Conakry. L'objectif reste de s'appuyer sur le patrimoine musical guinéen, tout en s'appuyant sur ses innombrables traditions régionales. Or, deux orchestres provinciaux se distinguent particulièrement et accèdent à la dignité d'Orchestre National : le Horoya Band de Kankan et surtout le Bembeya Jazz de Beyla.

La suite ici

Sources:

- Florent Mazzoleni:"L'épopée de la musique africaine", Hors collection, 2008, pp17-36.

- Florent Mazzoleni: "Le modèle guinéen", in Mondomix n°29, pp20-21.

- La remarquable émission "L'Afrique enchantée" (diffusée sur France Inter tous les dimanches) des lundi 11 et mardi 12 août 2008, consacrées à la Guinée-Conakry.

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