Pourquoi pas, cela est d'autant plus plausible que se déroule en parallèle une nouvelle guerre dans le Golfe... (le récit n'a été écrit au début des années 1990, alors que l'invasion de l'Irak n'avait pas encore eu lieu).
Mais on ressent un certain malaise à la lecture de ce manhwa. La vision du manhwaga est quelque peu manichéenne. Même les voyous coréens vivant au Japon, et dont nous suivons les aventures, sont dépeints comme des hommes d'honneur victimes de la barbarie nippone. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Sous couvert d'une dénonciation du nationalisme japonais, vu comme "éternel" et atavique, Yu Sul Lok se livre à une exaltation de la nation coréenne. Le message est grosso modo celui-ci : La Corée est souvent été victime de ses voisins contre lesquels elle doit se défendre, mais elle a aussi connu la grandeur (est évoquée notamment la période des "trois royaumes" du Ier siècle av. J.-C. au VIIème siècle ap.). Il ne tient qu'à elle de la retrouver, d'où le nom de code de l'opération, présentée comme "défensive" : Nambul qui signifie "conquête du Sud". Il s'agit d'une référence au roi Hyojong qui a lancé il y a 350 ans l'opération Bukbul, c'est-à-dire "conquête du Nord". Les auteurs de ce manhwa hissent donc bien haut le Tae Guk Ki, le drapeau coréen (voyez avec l'image ci-contre comment ils réinterprètent une image bien connue de la Guerre d'Asie-Pacifique). Ils vont même jusqu'à faire se réconcilier les deux associations des Coréens du Japon, l'une, le Chongryon, proche de Pyongyang (Corée du Nord communiste) et l'autre, le Mindan de Séoul (Corée du Sud).
Ces Coréens du Japon , une fois la guerre déclenchée, sont discriminés, isolés puis enfermés, un parallèle explicite et sans doute déplacé avec le sort des Juifs d'Europe sous le nazisme. Seuls deux tomes sont traduits en français, mais je crois savoir que dans le tome 3, les Coréennes enfermées vont servir de "femmes de réconfort" c'est-à-dire d'esclaves sexuelles...
On le voit donc, les auteurs renvoient les Japonais à leur barbarie supposée récurrente et inséparable de leur identité. Même si le Japon regarde parfois ses actes passés avec beaucoup d'indulgence, on ne saurait imaginer le Japon démocratique du XXIème siècle devenir semblable au IIIème Reich... S'il faut dénoncer le révisionnisme d'une partie de la société japonaise, il ne faut certainement pas le faire en activant ou réactivant le nationalisme coréen comme le fait Nambul. Pour que vous ne croyiez pas que j'affabule, voici un extrait de la préface écrite par Ya Sul Lok :
"Le sabre des samouraïs n'attache aucune valeur à la vie, ce qui le rend particulièrement terrifiant.
L'épée coréenne sert davantage à se défendre qu'à attaquer. Elle respecte sa vie, prenant en compte celle des autres. Cependant, il faut être prêt à verser du sang pour se défendre. Lorsqu'on se penche sur le passé de la Corée, on peut constater que lors de chaque invasion le sang a coulé. C'est grâce aux sacrifices de nos ancêtres qui se sont fièrement défendus qu'aujourd'hui nous avons pu conserver intacts les frontières de notre pays ainsi que notre fierté et notre identité.
À présent, il est temps pour nous aussi, de nous sacrifier. Il est nécessaire que nous nous défendions afin de préserver nos enfants. Pour qu'ils puissent vivre heureux et en paix...
Il vaut mieux éviter l'averse mais malheureusement c'est une tempête inévitable qui menace de s'abattre..."
Pour conclure, on peut dire que le succès du livre en Corée rend sans doute nécessaire la lecture de cet ouvrage pour qui veut comprendre les relations actuelles entre les pays d'Asie orientale. Pour le reste, son approche nationaliste en fait un mauvais manhwa.
Ya Sul Lok et Lee Hyun Se, Nambul, Histoire de la guerre entre la Corée et le Japon, Kami, 2007 (2 tomes parus en français)
L'extrait
Les liens
- Une critique sur BDgest.
- Le dossier sur l'histoire de l'Asie orientale (chronologie, documents, articles, entretien,....) pour ceux qui veulent en savoir plus !
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