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Du nouveau pour 2009 : Lire-écouter-voir devient Samarra !

Après un an de bons et loyaux services, Lire-écouter-voir fait peau neuve. Nous allons désormais continuer ce qui a été entrepris sur un blog partenaire du site Mondomix consacré à toutes les musiques du monde.

Ce nouveau blog s'appelle Samarra et a démarré depuis quelques jours. Nous allons continuer à y publier des articles sur les sujets et les supports (BD, manga, musique, films, livres, peinture,...) qui ont fait le quotidien de Lire-écouter-voir en 2008.

Rendez-vous tout de suite sur Samarra !

mardi 13 mai 2008

La musique au temps des Black Panthers.


Malcom X en 1963.

* Les nombreuses émeutes durant toutes les années 1960 soulignent la lenteur de l’amélioration du sort des Afro-américains, de plus en plus sceptiques à l’endroit de la stratégie non-violente de MLK, qui semble dans l’impasse.

* Il est ainsi possible de distinguer une seconde phase dans le mouvement noir pour la liberté, de 1966 à 1975 : le mouvement du Black Power (l’expression est d’abord employée par Stokely Carmichael en 1964).

A cet égard, Martin Luther King revient dans ses écrits sur un épisode crucial qui marque la rupture entre militants non-violents derrière MLK et une organisation étudiante de plus en plus radicale, le SNCC (aussi appelé Snick).
En 1966, alors qu’il entame une marche pacifique pour le droit de vote des noirs dans le Mississippi, James Meredith est blessé par balle le 6 juin. Le lendemain, Martin Luther King (MLK) et les dirigeants d’autres organisations militantes décident de continuer la marche. Ils parcourent pendant trois semaines l’Etat et réussissent à faire inscrire près de 30 000 noirs sur les listes électorales.



Carmichael et MLK, en 1965.

Après cette marche, MLK se souvient:"au cours de l'après-midi, nous nous arrêtâmes un moment pour chanter We shall overcome [nous vaincrons] [...] mais quand nous en arrivâmes à la strophe qui parle de "Blancs et Noirs réunis", les voix de certains marcheurs se turent. Je leur demandai un peu plus tard pourquoi ils avaient refusé de chanter cette phrase et m'attirai cette réponse:"Aujourd'hui les choses ont changé et nous ne pouvons plus chanter ces paroles. En fait, il faudrait réécrire tout le chant. Il ne faudrait pas dire "nous vaincrons" [We shall overcome], mais "nous écraserons" [We shall overrun]. (cf:MLK:"Where do we go from here: Chaos or Community", 1967].

Stokely Carmichael, théoricien du Black Power.


* La montée des contestations face à la stratégie non violente des mouvements des droits civiques au sein de la communautés afro-américaine entraîne la création d’organisation radicales qui justifient l’autodéfense face une police raciste et violente. En 1966, Huey P. Newton et Bobby Seale fondent le Black Panther Party (BPP) à Oakland (Californie), avec pour mission initiale :
- de protéger les communautés locales des brutalités policières et du racisme.
- d’établir des cliniques pour les familles pauvres qui ne peuvent pas se soigner convenablement.
- de procurer de la nourriture aux écoliers.



* Ce « militantisme noir » s’exprime de nombreuses manières : choix de noms swahili, yoruba ou arabe ; adoption de la coupe afro ; port de robes africaines ; attrait pour l’islam… Un personnage comme Cassius Clay est emblématique de cette évolution. Cet immense boxeur, très charismatique et fort en gueule, adhère à la nation of islam et change de nom pour devenir Mohammed Ali. Il ne cesse de clamer sa fierté d'être noir et côtoie les organisations nationalistes noires.

Le Black Power a aussi un impact fort sur la musique noire des 1960’s.
Le blues, rejetté par les jeunes générations qui n'y voient qu'une musique d'esclave est supplanté par de nouveaux courants musicaux, à commencer par la soul music, la "musique de l'âme". Elle devient vite le vecteur musical privilégié pour affirmer sa volonté de changement.

- Le « Say it loud, I’m black and I’m proud » (« Dis le haut et fort: je suis noir et j'en suis fier») de James Brown sert d’hymne pour de nombreux afro-américains qui assument avec fierté leur identité. Pour sa part, Brown ne se reconnaît guère dans ce mouvement du Black Power.
- Certains slogans des Panthers sont repris par les artistes soul.
Les Chi-Lites réclament plus de citoyenneté dans "(For God's sake) give more power to the people".
- Une chanteuse inclassable comme Nina Simone, à l'aise dans un registre jazz, mais aussi dans la soul, se rapproche tout au long des années 1960 des positions des panthères et en vient à contester la stratégie non-violente du dr King. Un titre comme son "Young gifted and black" ("jeunes, doués et noirs") s'inscrit dans cette volonté d'assumer son identité avec fierté.
- Elaine Brown enregistre en 1969 l'album Seize the time! qui rend hommage aux Black Panthers. Son titre The meeting devient même un hymne officieux du mouvement. Elaine Brown refuse la solution individuelle de l'intégration au profit d'une attitude collective passant par la prise de conscience de la négritude.



Les Last Poets.

* La formation musicale la plus emblématique de cette radicalisation des positions de nombreux afro-américains reste doute les Last Poets. Leurs poèmes déclamés s'inscrivent totalement dans la réthorique enflammée du Black Panther Party (BPP), comme le prouvent des titres comme "when the revolution comes" ou "Nigers are scared of Revolution". Le morceau "Panther" est même une référence explicite au BPP.

Leur scansion constitue une sorte de prototype du rap et leurs diatribes ne sont d'ailleurs pas sans rappeler les titres d'un groupe emblématique du rap des années 1980, Public Ennemy.
Oyewole, un des membres du groupe revient sur l'engagement des "Poets":"Nous étions intéressés par les idées de Malcom X d'autodétermination et de nationalisme noir. Nous voulions être la voix de cela. [...] Je ne pouvais pas souscrire au programme de Martin Luther King."



Le poète et dramaturge Amiri Baraka (alias Leroi Jones auteur du "peuple du blues") incarne ses textes militants qu'il récite à la manière des slameurs ou rapeurs d'aujourd'hui. Son nationalisme noir prend pour cible l'Amérique blanche, et souvent raciste, des années 1960.


Cette excellente compilation en deux volets revient sur la musique noire au temps des Panthers.

* Les chansons hommage à Malcolm X se multiplient:

- à l'instar du "Do you remember Malcom" de Miriam & Mbongi Makeba. Miriam Makeba est une immense chanteuse d'origine sud-africaine qui n'a eu de cesse de lutter contre le régime d'apartheid. Sans cesse en exil, en Guinée, aux Etats-Unis, elle épouse Stokely Carmichael un des "pères" du Black Power.

L'aura de Malcom X est très grande et ne se cantonne pas aux Etats-Unis. Ainsi, le jamaïcain Earl Sixteen entonne l'émouvant "Malcom X". Les Skatalites intitulent un de leurs skas "Malcom X".

* Les musiciens de jazz se laissent séduire eux aussi, par les thèses de Malcom X et son idée de Black Power, qui prend toute sa signification avec la vague de décolonisation africaine, sans les 1960’s. Certains se convertissent à l’islam et cherchent à limiter au maximum, dans leur discours musical, les influences européennes. Art Blakey par exemple, batteur phare du hard-bop, trouve son inspiration dans les traditions musicales ancestrales de l’Afrique. Les œuvres de Max Roach, autre batteur important, soulignent l’impatience de la communauté noire, face à une amélioration de sa situation qui tarde à se concrétiser : « We insist, freedom now suite ».

Les artisans du free jazz, Archie Shepp, Cecil Taylor, Ornette Coleman, proche des Blacks Panthers, entendent « libérer » le jazz. Yusef Lateef, Roland Kirk, John Coltrane puisent aux sources des musiques arabe et indienne, qui permettent une liberté totale d’improvisation.Le jazzman Archie Shepp, quant à lui, compose "Malcom semper Malcom", en hommage au leader assassiné. Le saxophoniste Joe McPhee enregistre Nation time, un long morceau en forme de prêche, inspiré de Leroi Jones et par l'espoir d'une nation noire unifiée.


*L’audience croissante du BPP, grâce notamment au soutien de personnalités emblématiques comme Elridge Cleaver ou Angela Davis, consterne les forces de police. Ces dernières harcèlent les militants du BPP et leurs cherchent des chicanes afin de les discréditer. Désormais, les membres du BPP sont traqués et emprisonnés dès que possible.

La stratégie des Panthers qui consiste à former des coalitions rassemblant les classes populaires, quelque soit la couleur ou l’origine des individus, inquiète beaucoup.

Entre 1966 et 1971, le BPP et la police se livrent une guerre de tous les instants. Presque tous les leaders des Panthers sont emprisonnés à un moment donné, souvent pour des délits mineurs, et certains meurent en prison. George Jackson, condamné à un an de prison pour un vol de 70 dollars, crée une antenne du BPP dans la prison de San Quentin, où il est alors condamné pour le meurtre d’un gardien.
Transféré dans le quartier de haute sécurité de la prison de Soledad, il consacre son temps à l’écriture et publie Soledad brothers : letters from prison. Il meurt en prison, alors qu’il tentait de s’échapper.
Cette mort pousse Dylan à composer un éloge, sobrement intitulé George Jackson, qui dépeint les désillusions de la présidence Nixon.

Lien:
- Pour en savoir plus sur le Black Power.
- Sur le "Say it loud" de James Brown.

3 commentaires:

cristina a dit…

bonjour!
je viens de découvrir votre merveilleux blog et en particulier celui de la musique au temps des black panthers! bravo et merci!!
puis-je vous suggérer d'urgence d'y ajouter gil scott heron!
salutations cordiales.
cristina

Entre les Oreilles a dit…

A propos d'Angela Davis aussi, quelques chansons qui pourraient donner lieu à une chronique? Sweet Black Angel des Rolling Stones ou Angela de John Lennon...
Dror

Anonyme a dit…

"The Revolution Will Not Be Televised" de Gil Scott-Heron OUI :)