jeudi 4 décembre 2008
Les pionniers du blues 2: Skip James.
Nehemiah Curtis Jamis naquit en 1902 à Yazoo City (Mississippi). Son père était un paysan à la réputation douteuse, tandis que sa mère travaillait comme cuisinière pour de riches propriétaires blancs d'une plantation de Bentonia, une petite ville cotonnière assez prospère. Edward James, le père de Skip fabriquait de l'alcool de contrebande, ce qui expliquerait sa disparition soudaine en 1907. Skip souffrira profondément de cet abandon et supportera de plus en plus difficilement sa vie auprès d'une mère étouffante.
James commence à jouer de la guitare à l'âge de dix ans, sur un instrument offert par sa mère, sans doute initié par des musiciens locaux. Quant à sa technique de clavier, Skip la doit sans doute à sa tante Martha qui jouait de l'harmonium. En 1915, à l'âge de 14 ans, il s'enfuit de chez sa mère et parcourt les routes du sud, volant pour vivre. Au cours des années 1920, il fréquente les levee camps, c'est à dire les chantiers le long du Mississippi visant à dresser des digues afin de contrer les crues dévastatrices du fleuve. L'atmosphère y est terrifiante. La violence règne chez des hommes exploités, sans cesse surveillés par des contremaîtres brutaux. Les hommes y trimaient quatorze à seize par jour, 6 jours sur 7. La soirée du samedi soir constitue donc un moment d défoulement salvateur. James joue de la musique au cours de ces house parties. Un soir particulièrement arrosé, il aurait même tué un homme.
Skip James (à droite) en compagnie de Mississippi John Hurt, lors du festival de Newport en 1964.
James poursuit son existence chaotique. Un jour métayer, le lendemain à la tête d'une distillerie clandestine (au temps de la prohibition), James continue de voyager et se rend dans le nord du pays. En 1931, à Grafton (Wisconson), il enregistre de remarquables faces pour Paramount. Mais la compagnie doit fermer ses portes peu de temps après et James replonge dans l'anonymat.
Il faudra attendre 33 ans avant que James ne puisse enregistrer de nouveau. Pour les amateurs de blues, le nom de Skip James est devenu un nom mythique inscrit sur d'obscurs 78 tours. John Fahey et Henry vestine, deux futurs membres de Canned heat, retrouvent James en 1964. Il endosse à nouveau ses habits de bluesman (entre temps il s'est fait prédicateur baptiste, puis mineur et fermier) et grave quelques disques remarquables pour Vanguard ou biograph. Il devient un des principaux acteurs du blues revival qui fait fureur aux Etats-Unis et en Europe, où il participe à l'American Folk Blues Festival.
Skip James est emporté par un cancer, le 3 octobre 1969.
Le bluesman reste une influence majeure pour de nombreux musiciens actuels. Beck, Ben Harper vouent ainsi un véritable culte à James. Son jeu de guitare, tantôt fruste ou virtuose, s'adapte à la couleur qu'il entendait donner à ses interprétation (James est aussi un pianiste très original comme le prouve certains enregistrements de 1931). Mais surtout, ce qui fascine lorsqu'on écoute, c'est sans doute cette voix de tête terriblement envoûtante.
Extrait de soul of a man de Wim Wenders.
Pour son film the soul of a man, Wim Wenders, grand amateur de blues, retrace le parcours de trois figures majeures de ce courant musical: Blind Willie Johnson, J.B. Lenoir (nous reparlerons de ces deux-là bientôt) et Skip James. Le réalisateur allemand affirme d'ailleurs:"un jour dans les années soixante, j'ai entendu une chanson de Skip James extraite d'une compilation. Juste une chanson, mais quelle chanson! Elle sortait tellement du lot que je n'ai eu de cesse d'en savoir plus sur ce chanteur. (...) Toutes ses chansons avaient cette même qualité, et sa voix était unique. Sa façon de jouer du piano et de la guitare était différente, très élaborée, et n'avait rien à voir avec ce que l'on entendait ailleurs. Il est devenu mon premier héros".
- "I'm so glad". Il s'agit d'une adaptation d'un succès populaire de 1927 (So tired). Le morceau connaît une carrière internationale lorsque le groupe Cream, mené par Eric Clapton, le reprend en 1966.
La reprise du morceau par Cream.
- "Hard time killing floor":
- "Cypress grove blues". Skip évoque ici les cyprès qui ornent les cimetières. Mysogine, il lance une déclaration radicale dès le premier couplet:"Je préférerais être enterré sous un bosquet de cyprès / que d'avoir une femme qui me mène par le bout du nez"...
Liens:
- "Skip James" sur Télérama.fr (blog de François Gorin).
- "The complete early recordings" sur Planet gong.
- Portrait de James sur le blog Crossroads club 27 (en anglais).
- Toujours pour les anglophones, une interview du biographe de Skip James et quelques morceaux en écoute et en téléchargement.
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