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Du nouveau pour 2009 : Lire-écouter-voir devient Samarra !

Après un an de bons et loyaux services, Lire-écouter-voir fait peau neuve. Nous allons désormais continuer ce qui a été entrepris sur un blog partenaire du site Mondomix consacré à toutes les musiques du monde.

Ce nouveau blog s'appelle Samarra et a démarré depuis quelques jours. Nous allons continuer à y publier des articles sur les sujets et les supports (BD, manga, musique, films, livres, peinture,...) qui ont fait le quotidien de Lire-écouter-voir en 2008.

Rendez-vous tout de suite sur Samarra !

dimanche 31 août 2008

Petite histoire du rap (prélude)

Pour écouter ce texte, cliquez ci-dessous :


Quand tout cela a-t-il commencé ? Bienheureux ceux qui le savent !

Comme pour beaucoup de genres musicaux, il est bien difficile de dater précisément les débuts.

Une chose est certaine, le rap n’est pas venu de nulle part, il est l’héritage d’une longue tradition musicale depuis le gospel jusqu’au Reggae. Autre certitude, le rap est né dans le Bronx, dans un quartier de New York livré à lui-même. Tentons d’y voir un peu plus clair.

Commençons par le nom. Le mot rap signifie en anglais américain quelque chose comme "baratin". Il est utilisé dans des expressions comme « Don’t give me this rap » (sors pas ton baratin) ou dans un autre sens « take the rap » (payer pour les autres).

Comme genre musical, le rap peut être défini ainsi (Rousselot et Lapassade) : « c’est la diction, mi-parlée, mi-chantée, de textes élaborés, rimés et rythmés, et qui s’étend sur une base musicale produite par des mixages d’extraits de disques et autres sources sonores ».

Le rap émerge dans un ensemble plus vaste que l’on a progressivement appelée la culture hip-hop et qui comprend également des danses urbaines (break, smurf, hype), des modes vestimentaires, des arts graphiques (graffiti, tag), un langage.

Aux sources musicales du rap

Les deux sources principales du Rap sont la musique noire américaine et la musique jamaïcaine, en particulier le reggae (Julien Blottière nous en parle prochainement).

Le rap s’inscrit en effet dans une filiation allant du Gospel à la funk en passant par le blues, le jazz, la soul, le rock.

Ces différents genres musicaux ont tous inspirés le rap, par leur rythmique, leur instrumentation, leurs mélodies (ne serait-ce que par les samples utilisés par les DJ).

Une tradition verbale existe déjà dans la culture afro-américaine, celle des dirty dozens, ces insultes à connotation sexuelle, le plus souvent adressées à la mère de la personne visée (le Motherfucker vient de là….). Mais là, il ne s’agit pas de politique. Pour retrouver les prémices du rap dans sa dimension politique et sociale, il faut s’intéresser au groupe des Last Poets. Ils sont en effet les précurseurs du rap par les thèmes qu’ils abordent (la défense de l’homme noir persécuté et son affirmation), par le langage qu’ils utilisent (celui de la rue parlé par les noirs), par le choix de la rime enfin. Le groupe se forme en 1969, il est proche des Black Panthers qui scandent alors leur slogan « Black Power ». Leur premier album sort en 1970. Ils vont, en parallèle à l’émergence du rap, mener une carrière de chanteurs militants, marquée par des titres comme « Niggers are Scared of Revolution » (« Les nègros ont peur de la révolution », voir la vidéo ci-dessous) ou « Run, Nigger, Run » (« Cours, Négro, Cours »). [Retrouvez des informations sur ce groupe et le mouvement dans lequel il s'inscrit dans un article de J. Blottière sur "La musique au temps des Blacks Panthers"].


L’autre source importante du rap, surtout pour les conditions dans lesquelles la musique est réalisée, est la musique jamaïcaine, elle-même très liée aux genres précédemment cités. L’histoire de la musique est en effet faite d’allers-retours constants et d’influences réciproques. Dans les années 1950, parmi les animateurs de radio, une tradition du parler en rythme sur la musique diffusée se développe chez des DJ’s noirs de Floride. Les DJ’s jamaïcains, qui captent les radios de Miami et de la Nouvelle-Orléans, s’en inspirent pour créer le toasting. [Photo ci-contre : l'un des pères du toasting, U-Roy] Mais en Jamaïque, le toasting se développe plutôt dans la rue, à bord de sound-systems mobiles, lancés par les disquaires pour faire connaître la musique que les gens n’ont pas les moyens de s’acheter. Les disques de reggae joués en version instrumentale, les dubs (sur les faces B le plus souvent) font ainsi les beaux jours de ces discothèques ambulantes que sont les sound-systems. Précisons qu’il y a alors de moins en moins de musiciens live du fait de l’émigration vers les Etats-Unis ou le Royaume-Uni et du développement du tourisme sur la côte Nord de l’île. Dans les années 1960, les sound-systems, (pour lesquels une personne suffit : le selector) remplacent donc progressivement les musiciens.

Au cours des années 1960, le toast débarque aux États-Unis et rencontre un grand succès dans les rues des ghettos. Les techniques évoluent, le parler des toasting s’américanise. Un DJ d’origine jamaïcaine, DJ Kool Herc (Clive Campbell, de son vrai nom) affirme le style DJ rap au début des années 1970, il est un des pères du rap. Je vous en reparle dans le prochain épisode.

Revenons donc aux États-Unis et plus précisément dans le Bronx.

[South Bronx Playground, années 1970]

Bronx, années 1970

Le rap naît dans les années 1970, dans les ghettos urbains des grandes villes des États-Unis, en particulier dans le quartier du Bronx à New York (au Nord de la ville de New York, voir la carte ci-contre [source]). Malgré l’émergence progressive d’une classe moyenne noire, l’essentiel de la communauté noire vit alors dans des ghettos aux cœurs des grandes villes, le plus souvent dans des projects (ces HLM à l’américaine).

Entre les années 50 et la fin des années 60, la moitié des blancs a quitté le South Bronx pour les banlieues plus éloignées et uniformes du New Jersey, du Queens et de Long Island. HLM et autoroutes sont alors concentrées dans le South Bronx pour les épargner à Manhattan.

Le South Bronx perd 600 000 emplois dans l’industrie, 40% du secteur disparaît. Au milieu de la décennie 70, le revenu annuel moyen par habitant du Bronx est à 2430 $, soit la moitié de la moyenne à New York et 40% de la moyenne nationale. Le taux de chômage de jeunes est à 60%, sans doute plus (80% par endroit).

La paupérisation du Bronx entraîne l’essor de l’économie parallèle. Celle de la drogue bien sûr, l’héroïne en particulier à partir de 1968. C’est aussi la période des grands incendies. De nombreux « marchands de sommeil », n’ayant aucun intérêt financier à l’amélioration des logements, mettent eux-mêmes le feu aux appartements pour être indemnisés, de mèche avec les assurances. Mais tout cela incite les autorités au laissez-faire et leur permettent de justifier la réduction des services publics. 7 compagnies de pompiers sont ainsi supprimées dans le Bronx. La municipalité de New York, sous le mandat d’Abraham Beame, va d’ailleurs tout droit vers une ruine financière (ce qui ne l’empêche pas de dépenser des millions contre les graffeurs, autre composante essentielle de ce qui devient le hip-hop…). Tout le monde semble purement et simplement envisager la disparition du Bronx et de sa population, à petit feu. La visite du président Jimmy Carter en 1977 n’y change rien. Le Bronx est devenu l’angle mort de la ville. Un quartier à l'abandon d'où va sortir une culture nouvelle.

Après 1968, les Black Panthers et d’autres mouvements politiques comme les Young Lords avaient tenté de s’implanter sans succès. Après 1971, « ne restaient que les gangs de jeunes pour remplir le vide laissé par les révolutionnaires » (Jeff Chang). Dans les années 1960, au fur et à mesure que des Afro-Américains, des Afro-Caribéens et des Latinos s’installaient dans des secteurs autrefois peuplés d’Irlandais, de Juifs et d’Italiens, des gangs de jeunes blancs s’attaquaient à eux. Cela suscita en réaction la formation de gangs noirs et latinos, défensifs au départ, qui allaient devenir des gangs comme les autres. Pendant quelques années, « ils structuraient le chaos ». Pourtant, cette structuration montrait ses limites et de véritables traités de paix signés entre gangs, notamment à l’initiative des Ghetto Brothers en 1971, devaient progressivement changer le climat sans faire disparaître la violence. C'est parmi les jeunes de ces gangs que l'on va trouver certains des fondateurs du hip-hop et du rap, à l'image d'Afrika Bambaataa dont je vous reparle dans le prochain épisode.

Avant de voir la prochaine fois comment est né le rap, précisons déjà qu'il ne vient donc pas de nulle part, mais le sample, le collage, le scratch, le cut, toute la gestuelle sur scène, vont progressivement lui donner de fortes spécificités qui en font un genre musical original promis à un bel avenir.

Voici la playlist des titres dont je vous ai parlé ainsi que d'autres morceaux précurseurs :


Histoire du Rap (prelude)

En attendant la suite dans deux semaines, vous pouvez consulter ici la petite bibliothèque du rappeur (livres, films, bd, disques,...) et le lexique (en construction). Répondez à la devinette en fin de podcast en laissant un commentaire à ce message. Consultez également la Petite géographie du Rap en France et dans le monde qui vous permet de retrouver des informations sur les artistes à partir d'une carte. Le dossier complet sur l'histoire et la géographie du rap. Pour télécharger le podcast, vous pouvez le faire (notamment avec itunes) en cliquant ici.
6. L’émergence du Gangsta Rap et de la Côte Ouest
7. La réponse de NYC
8. Le Dirty South se réveille
9. Naissance du Rap en France
...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Yo les rappeurs,
merci pour cette initiation à la création de cette musique au contexte social très fort.
C'est d'ailleurs là davantage votre point de vue (social), plutôt que celui du musicien. Cela nous convient à nos oreilles...