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dimanche 7 septembre 2008

Petite histoire du Rap (1) The Founding Fathers : DJ Kool Herc, Afrika Bambaataa et Grandmaster Flash

Pour écouter ce texte, cliquez ci-dessous :




C'est d'une sorte de sainte trinité du Hip-Hop dont je vais vous parler. Chacune de ces trois personnes a joué un rôle fondamental dans l'émergence du Rap et de la culture Hip-Hop. Si le Hip-Hop était une religion, nul doute que DJ Kool Herc serait le Père, Afrika Bambaataa le Saint-Esprit et Grandmasterflash le fils.


"Le jour où DJ Kool Herc inventa le Hip-Hop" (Jeff Chang)

Clive Campbell a grandi en Jamaïque, à Kingston, où il est né en 1955 et où il a vu les sounds-systems mobiles fonctionner et entendu de loin les bruits de la fête. Son père collectionne les disques de reggae, de jazz, de gospel et de country. Arrivé avec ses parents dans le West Bronx en 1967, à 12 ans , il s'efforce autant qu'il le peut de perdre son accent jamaïcain, pas encore à la mode... Déjà, enfant, en écoutant la collection de disques de son père, il s'efforçait d'imiter la voix des musiciens noirs américains. Il s'évertue à s'intégrer à cet environnement urbain à priori hostile, fréquente un peu les gangs mais s'en éloigne à partir du lycée où il se distingue en athlétisme. Comme beaucoup de jeunes de son âge, il participe à l'émergence du graff dans ce début des années 1970. C'est à ce moment qu'il se fait appeler Clyde as Kool puis Kool Herc. Sa mère l'emmène dans des house parties et il achète ses premiers 45 tours, déjà désireux d'animer lui-même ses propres fêtes. Son père, qui parraine un groupe de rythm'n'blues, lui interdit de se servir de la sono du groupe. Pourtant, personne ne sait s'en servir comme il faut. Clive profite d'une absence de son père pour la bricoler et lui donner une puissance sans égale dans le quartier. Il n'entendit pas son père rentrer tellement le volume était fort. Clive n'eut bien sûr pas le droit à des remontrances et eut désormais le droit d'utiliser le sound-system...

Arrive la dernière semaine d’août 1973. Une fête est organisée par Cindy Campbell au 1250 Sedgwick Avenue. Pour animer cette soirée qui a lieu dans la salle de l'immeuble où réside la famille Campbell, Cindy fait appel à son frère Clive, qui se fait appeler Kool Herc. Celui-ci diffuse des disques et s'empare du micro pour chauffer la foule. Cette fête va devenir un mythe, une espèce d'aube du Hip-Hop (ci-dessous, flyer de cette fête).

A l'été 1974, Herc a de plus en plus de succès et organise une free party à l'extérieur. Dans le Bronx, des Block partys se déroulent dans la rue, fermée à la circulation pour l’occasion. Un Disc-Jockey, le fameux DJ, est aux manettes, il a avec lui des disques, des maxi-45 tours dont il a enlevé les étiquettes pour ne pas dévoiler ses disques aux autres DJs. L’autre personnage important de la fête, c’est le Master of Ceremony, le non moins fameux MC. Il va accompagner de ses mots la sélection musicale du DJ. Au fil du temps, ce simple accompagnement verbal s’étoffe et devient rime. Le rappeur qui accompagne DJ Kool Herc s'appelle Coke La Rock. Kool Herc a remarqué depuis longtemps que les danseurs attendent certaines parties des chansons diffusées par le DJ, plutôt les parties instrumentales. Il va s'efforcer de faire durer ce moment, le break, aussi longtemps que possible en une sorte de manège, de merry-go-round. Il enregistre le même break sur deux disques différents. Ce break ne dure pas longtemps, 5 secondes tout au plus, mais il fait durer le plaisir en enchainant les deux disques l'un après l'autre. Les Breaks-boys, que l'on appelle ensuite les b-boys (synonyme de fan de rap) se déchaînent sur le manège de Herc.

Progressivement, Herc élargit son audience et suscite des vocations. Il continue à jouer dans la rue, mais aussi dans les clubs où il obtient des contrats. Sa renommée s'étend bientôt au-delà du Bronx. La compétition entre DJs, ainsi qu'entre MCs prend des allures de rivalité lors des Battles. Cette tradition des Battles est toujours bien vivace. On la retrouve dans la danse et le graff.

Herc connaît son heure de gloire juqu'en 1977 puis décline ensuite. Il prend du recul après une agression où il est blessé au couteau, signe que le Hip-Hop n'a pas fait disparaitre la violence.
Dans le Sud-Ouest du Bronx l'étoile d'un autre DJ, Afrika Bambaataa, commençait à briller tandis que le South Bronx était le territoire de Grandmaster Flash.

Afrika Bambaataa et la Zulu Nation

Né avant 1960 à Manhattan de parents originaires de la Jamaïque et de la Barbade, Afrika Bambaataa ou "Bam" arrive en 1971 dans le Bronx. Sa famille quitte alors Harlem suite à un incendie et s'installe dans les Bronx River Houses, un project au coeur du Bronx.
Il grandit dans un univers baigné à la fois par les mouvements culturels et les mouvements de libération noirs et par les musiques qu'écoute sa mère (des artistes comme Myriam Makeba, Mighty Sparrow, Joe Cuba ou Aretha Franklin). Il est alors fasciné par un film de 1964, Zulu relatant une victoire des Britanniques sur les Zulus en Afrique du Sud au XIXème siècle. Malgré tous les biais de ce film, il y voit le modèle d'une solidarité noire qui lui font alors prendre la décision de fonder plus tard un groupe s'appelant la Zulu Nation.
Alors que l'héroïne fait des ravages dans le Bronx, il fréquente le gang des Black Spades mais cherche vite à dépasser les limites territoriales imposées à tous à un moment où les gangs sont en perte de vitesse. Il fait de même avec la musique, n'hésitant pas à traverser les frontières. Personnage charismatique, il entraîne autour de lui des dizaines de jeunes séduits par sa démarche. Lorsqu'il prend son ghettoblaster sur l'épaule, Bam entraine dans son sillage des jeunes vers des Block Parties. Il se forme alors au DJing avec Kool DJ D et Disco King, deux anciens Spades. Mais contrairement à eux et dans la lignée de DJ Kool Herc, il privilégie le break sur la chanson. Il créée une première organisation qu'il appelle la Bronx River Organization. Une sorte d'alternative aux gangs. Il voyage en Afrique et en Europe après avoir gagné un concours de rédaction au lycée. Ce voyage et le décès de son cousin Soulski tué par la police en 1975 sont un tournant dans sa vie et lui ouvrent les yeux sur beaucoup d'aspects.

A l'été 1975, Bambaataa lance sa Zulu Nation. Dans une atmosphère conviviale et optimiste, le mouvement rassembledes danseurs (les Zulu Kings), des danseuses (les Shaka Queens), des rappeurs (notamment Queen Lisa et Sha-Rock qui sont "les deux premières nanas à balancer leur flow") et des graffeurs. C'est l'époque où les "quatre éléments" du Hip-Hop se conjuguent dans le Bronx : la breakdance, le DJ-ing, le MC-ing et les graffitis. Au travers de la Zulu Nation, Bambaataa veut diffuser ses principes d'ouverture d'esprit, de connaissance, de sagesse, de compréhension, de respect. Il ne professe pas la non-violence mais demande aux Zulus de ne pas être les agresseurs.
A l'image de son eccléctisme musical de DJ, Bambaataa emprunte des idées à des univers très différents pour rédiger les Seven Infinity Lessons, principes fondateurs de la Zulu Nation. Empruntant au Black Power et à la Nation of Islam, il s'en éloigne sur de nombreux points, notamment la séparation raciale. Les Lessons ne sont donc pas un code figé et contraignant, mais une pensée en constante évolution basée sur la connaissance et la vérité. Ce mode de vie séduit dans le Bronx parmi les jeunes noirs mais également de l'autre côté de la Bronx River, chez les Latinos.

Grâce à la richesse de ses connaissances musicales, Bambaataa est le roi de la programmation. Contrairement à Kool Herc qui décline après 77, Bam enregistre des titres à partir du début des années 80 avec les Soul Sonic Force. Son titre le plus fameux est incontestablement "Planet Rock". Le disque est produit par Arthur Baker et John Robie. Le morceau "Trans-Europe-Express" du groupe d'électronique allemand Kraftwerk sert de sample. Le titre signe l'entrée du rap dans l'ère électro-funk. Voyez la vidéo ci-dessous, ne serait-ce que pour les costumes...
par la suite, Bam ne cesse jusqu'à aujourd'hui de poursuivre sa quête musicale en explorant différents univers et en enregistrant notamment avec Gary Numan, Yellowman, John Lyndon des Sex Pistols, James Brown enfin en 1984 où les deux "Parrains" (celui de la Soul et celui du Hip-Hop) enregistrent le fameux "Unity" qui reprend les slogans de la Zulu Nation ("peace, love, unity and having fun").




Grandmaster Flash : "Précision, sophistication et don pour le spectacle"

Joseph Saddler, grandit à Fox Street, dans un quartier violent du South Bronx. Il est né en 1958 à la Barbade avant que ses parents n'immigrent à New York, il est le seul garçon parmi quatre sœurs. L'adolescent passe son temps à bricoler toutes sortes d'appareil, des autoradios aux sèche-cheveux. Il se rend aux fêtes organisées par DJ Kool Herc et Pete "DJ" Jones pour observer, admirer ce que faisait Herc tout en en percevant les limites, le manque de précision. En raison de son habileté à changer les disques, parfois les mains dans le dos ou même avec les pieds, il gagne le surnom de Grandmaster. Sa rapidité d'exécution lui valent celui de Flash par référence au héros de BD. Il trace des repères sur ses disques pour démarrer le break au bon moment, le cutting était né. Il perfectionne ensuite le scratch, découvert fortuitement par Theodore (futur Grand Wizzard Theodore, alors un enfant) lorsqu'il posa sa main sur la platine alors que sa mère l'appelait. Flash enregistre d'ailleurs en 1979 le premier morceau de scratch : "The Adventures of Grandmaster Flash on the Weels of Steel" (un vrai petit bijou truffé de samples). Suivent le backspin et le double-back, mais là, ça devient compliqué...

Ayant perfectionné ses techniques, Flash se lance en 1975 dans l'organisation de fêtes mais, face à un semi-fiasco, se décide à étoffer son spectacle et fait appel à Robert Keith "Cowboy" Wiggins pour faire le MC. Puis s'ajoutent les frères Glover : Melvin "Melle Mel" et Nathaniel "Kid Creole". Alors qu'il joue désormais dans des clubs, le posse passe de 3 à 5 MCs (avec Rahiem et Scorpio) qui deviennent les Furious Five. Flash devient en peu de temps une figure incontournable grâce à ses talents : "Précision, sophistication et un don pour le spectacle" (Jeff Chang) et la réputation de celui qui "détruit les disques" mais sait mener la fête comme nul autre.
Ayant longtemps refusé d'enregistrer des disques, il finit par accepter de le faire avec les Furious Five chez Sugarhill, le label qui a enregistré "Rapper's Delight" en 1979. Le titre le plus célèbre du groupe est "The Message", sorti en 1982, véritable rupture dans un rap jusqu'alors plutôt ludique, je vous en parle sur l'histgeobox. Mais le succès du titre cache le fait que le groupe n'a joué qu'un rôle mineur dans sa production et sa réalisation. Les désaccords s'intensifient et Flash quitte la label peu de temps après. Le groupe s'éteint progressivement pendant les années 1980. En 1998, Grandmaster Flash sort Flash is back.



Voici la playlist de ce premier épisode :



Histoire du Rap (1) Founding Fathers

Les autres épisodes :
L’émergence du Gangsta Rap et de la Côte Ouest
La réponse de NYC
Le Dirty South se réveille
Naissance du Rap en France
...

En attendant la suite dans deux semaines, vous pouvez consulter ici la petite bibliothèque du rappeur (livres, films, bd, disques,...) et le lexique (en construction). Répondez à la devinette en fin de podcast en laissant un commentaire à ce message. Consultez également la Petite géographie du Rap en France et dans le monde qui vous permet de retrouver des informations sur les artistes à partir d'une carte. Le dossier complet sur l'histoire et la géographie du rap. Pour télécharger le podcast, vous pouvez le faire (notamment avec itunes) en cliquant ici.

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